« Ce texte est né d'une envie de dire comment l'écriture et la traduction s'entrelacent et s'entrechoquent. Je suis partie d'une étrangeté propre à mon parcours : au lieu de ramener une culture autre « chez moi », vers ma langue maternelle - le russe - je suis « sortie de chez moi » pour traduire vers ma langue d'adoption, le français. Cette « sortie », qui était aussi une entrée dans la culture française, m'apparaît comme un déracinement fondateur, une hérésie, certes, mais hérésie est presque une anagramme de heureuse : il en faut pour tout travail sur la langue, sur le langage. Depuis quelque temps, des fragments de poèmes se glissent dans mes proses et parallèlement, j'ose traduire des vers d'auteurs qui me sont chers. Dans ce texte, je me suis donné la liberté de réfléchir au sens de ces accidents. Ils se sont toujours produits en rapport à un mouvement à travers la ville (en l'occurrence, Paris) : des miettes semées à travers ces déambulations pour ne pas retrouver le chemin. »Luba Jurgenson
À PROPOS DE L'AUTEURELuba Jurgenson, née à Moscou en 1958, vit à Paris depuis 1975. Écrivaine, traductrice, universitaire, elle enseigne la littérature russe à Sorbonne Université et codirige la collection Poustiaki aux éditions Verdier. Vice-présidente de l'association Mémorial France, elle a notamment traduit, entre autres, Nina Berberova, Vassili Grossman, Marina Tsvetaeva, Ivan Gontcharov, Sofia Tolstoï, Boris Akounine, Vladimir Toporov, Varlam Chalamov, Dimitri Chostakovitch, Alexandre Soljenitsyne...
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Voici une saga " familiale " racontée en trois épisodes dramatiques. La " famille " dont il s'agit rassemble, en réalité, des personnages sans aucun lien de parenté. Si ce n'est la langue allemande qu'ils ont, tous, refoulée parce qu'elle pourrait trahir, parlée à voix haute, leur douloureux " secret " de famille : l'origine juive à dissimuler coûte que coûte. Chose très originale, la narratrice qui présente les trois récits en est précisément la traductrice. C'est donc la langue allemande - la langue de la culpabilité - qui se comporte ici comme le personnage principal par la voix des êtres humains.
Premier personnage, Luba Jurgenson elle-même qui commence par raconter comment sa famille - des éditeurs de partitions de musique – se scinda en deux branches : celle qui devint russe à Moscou, celle qui resta allemande à Saint Pétersbourg. En allemand ou en russe, les Jurgenson restèrent avant tout des Juifs c'est-à-dire des persécutés. A la Pérestroïka, Luba Jurgenson retrouve miraculeusement trace de son père et d'un poème écrit en allemand par son grand-père Alexandre Jurgenson sur le thème schubertien de la jeune fille et la mort.
Le second récit, qui date de 1920, est celui de Christoph von Pasenow, aristocrate prussien qui voit sa femme, Anita Hrube, une Juive, s'enfuir avec son propre cousin, l'officier Anton von Grubbel. La langue de Pasenow, fortement symboliste, met en scène les objets inanimés comme s'ils étaient dotés d'une mystérieuse volonté de se révolter contre le bon ordonnancement régnant dans les pièces du château. Le thème essentiel : Anna, la juive, est bien celle qui a rompu la lignée et détourné un officier du droit chemin.
Le troisième récit émane de Stefen Betreffen, un médecin new-yorkais qui a quitté Berlin en 1933 à l'âge de 28 ans. Les yeux fixés sur une toile de Balthus, il reconnait soudain sa " rue " depuis son East Seventh street : celle du Berlin de son enfance où, lors de la nuit du Yom Kippour de 1913, un étrange jeune homme pénétra dans la synagogue. A sa vue, l'enfant ressentit la honte d'être juif. Une honte qui nourrit longtemps sa culpabilité, quand son père décéda peu après. Par d'irrésistibles détours de sa mémoire, Betreffen va découvrir que le jeune homme n'était autre que Franz Rosenzweig, l'auteur de L'Etoile de la rédemption. Il avait surpris son regard à la minute même où, renonçant à quitter la religion juive, ce dernier tentait, en pénétrant dans la synagogue, de " revenir " parmi les siens.
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A la fin des années 1870, Léon Tolstoï vit une crise spirituelle. Tous les doutes qui l'ont assailli jusqu'alors, portés à leur paroxysme, trouvent leur dénouement dans ce qu'il appelle sa seconde naissance. Dès lors il tente de donner à sa foi retrouvée une forme en accord avec son être profond, de dire également son expérience mystique déjà exprimée, de diverses manières, dans le destin de certains de ses personnages. Ainsi, peu à peu, se superpose à sa personnalité d'écrivain celle d'un maître spirituel qui attire des disciples des quatre coins de la Russie et du monde entier. Cela ne signifie pas pour autant que le Tolstoï spirituel naît seulement à cette époque. Toute sa vie est ponctuée de questions douloureuses sur le sens de la vie. Le néant hors de Dieu s'articule autour de la problématique du vide, deux abîmes qui hantent la littérature russe de Dostoïevski à Nabokov. En fait, le Tolstoï mystique, pressentant à l'avance les terribles bouleversements du XXe siècle à venir, a toujours existé ; il a été jusqu'à renier son propre art et l'art en général coupable, selon lui, de déformer et d'enjoliver. C'est sous cet angle de l'artiste inséparable du mystique qu'il est ici révélé, de manière renouvelée et élargie, affrontant toutes les contradictions pour tenter d'approcher la lumière.
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Dans l'Allemagne des années 40-46, le destin de deux hommes, l'un aristocrate déchu, l'autre artiste juif assimilé, leur amour pour la même femme et leur affrontement à travers l'horreur de la guerre.
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Brûler ses oeuvres ou brûler sa vie ? La Russie est un pays de cocagne où les poètes ne font pas de vieux os ; Moscou, un radeau de la douleur, qui flotte sur les vagues obscures. Ruben, lui, est une étincelle brûlante : sa poésie est née dans la rue comme un chat de gouttière, et il est insaisissable en parole comme en amour. À ses côtés : Katia, amante inachevée, Irène, à la fois tigresse et mouette blanche, Vladimir, le chantre de la salle de bains, Igor et d'autres, mais surtout l'histoire. Celle d'une ville imaginaire et réelle, faite de cours sombres et de sous-sols, d'entrées d'immeubles et de cuisines. Celle d'une langue, imaginaire et imaginée : parlée par un homme, écrite par une femme. À travers cette oeuvre dépouillée, attachante et singulière, d'une sensualité profonde et diffuse, Luba Jurgenson, née à Moscou en 1958 mais qui vit à Paris depuis une quinzaine d'années, développe son art subtil de l'esquisse et confirme son exceptionnel talent.
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La guerre, le goulag, le cancer, l'exil : Soljenitsyne semble résumer la tragédie des cinquante dernières années. mais la Russie, broyeuse de destins humains, dévoreuse d'écrivains, a achoppé sur celui-ci, qui a survécu au « grand jeu de cartes » que s'était offert Staline, puis ses successeurs. Il en est sorti écrivain, authentiquement, insolemment russe. Dans la danse macabre qui anime les sous-sols de notre siècle, tout en marron et en gris, l'homme et l'écrivain vont s'enlacer et, selon l'angle choisi, offrent au regard la douceur du voyage ou la terreur du gouffre.
Luba Jurgenson, elle-même russe, romancière, traductrice notamment de Nina Berberova, a perçu la voix même et les silences intérieurs de Soljenitsyne au détour de ses principaux livres et des événements marquants de sa vie.
Cette biographie paraît alors que l'Union soviétique est à la croisée des chemins et que l'on se demande quelle voie choisira Soljenitsyne qui continue d'incarner une certaine idée du destin russe.
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Qui est vraiment cet homme, déguisé en prolétaire ivrogne et enfermé dans une vitrine de musée provincial en Russie? Par une jeune femme née à Moscou, auteur de Avoir sommeil.
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Luba Jurgenson a quitté Moscou à l'âge de 17 ans pour s'installer en France en 1975. Son roman, Une autre vie, pourrait n'être qu'une méditation sur l'exil, si la narratrice ne se proposait de rendre le regard d'une enfant, puis d'une adolescente, sur l'histoire sociale et quotidienne de la Russie (plus particulièrement, Moscou) durant les années soixante et la moitié de la décennie suivante. Un regard dont l'ambition est de dévoiler, dans un monde désaccordé, le son juste. Un regard, aussi, qui s'attache à débusquer la violence qui s'instaure entre les citoyens de cet État totalitaire. Là, l'écriture transfigure l'expérience. La restitution d'une histoire sensible, dans le dialogue que l'adolescente entreprend avec la correspondance d'un oncle mort à Babi Yar, lui permet de comprendre que le moment du départ est aussi insaisissable que le moment de la mort, et la rupture entre les deux mondes aussi impensable que celle entre la vie et l'au-delà.
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