Le 2 février 1994, Muriel Rigal se défenestre du troisième étage. De cette chute de dix mètres, elle ressort grièvement blessée à la jambe et à la colonne vertébrale, mais vivante et pleinement consciente. « C'est de là, dit-elle, que date ma véritable naissance. » Jour après jour, pendant près d'un an, Muriel se bat farouchement contre la souffrance et l'impuissance, afin de gagner une nouvelle autonomie physique. Surtout, c'est son intégrité morale qu'elle veut reconquérir. Comprendre les raisons de son acte irréparable, désamorcer un désespoir profondément enraciné en elle, causé par une enfance sacrifiée et une jeunesse saccagée, s'accepter et s'aimer, retrouver le respect de soi et le goût de vivre avec les autres - telles sont les étapes par lesquelles elle devra passer pour se reconstruire, et prouver que rien n'est jamais perdu.
Valérie Colin Simard a recueilli ces phrases auprès de ceux qu'elle a rencontrés, ceux qui ont connu un immense chagrin : perte d'un enfant, maladie grave, handicap subit, sida. Nous sommes tous, un jour, confrontés au chagrin d'un être proche et nous nous sentons désarmés. Que dire, que faire, comment aller vers lui, comment l'aider ? Il n'y a pas de lois, pas de règles définitives pour aider les autres, mais à travers leurs témoignages, celui de leur entourage amis, médecins ou membres d'associations, le message est clair : ils ont besoin de nous, osons aller vers eux.
Suffisance, amour de soi, besoin de paraître, telle est l'impudeur que nous voulons combattre. Cette vanité collective est née en 1968, avec l'éclosion des concepts d'autogestion, d'autonomie, d'auto-contentement. Un individualisme égalitariste et sarcastique en est resté, qui s'est engraissé de quelques principes à la mode : la transparence, l'authenticité, l'impertinence. Hommes politiques, intellectuels, journalistes, juges et simples citoyens, nous vivons tous, désormais, sous la tyrannie de l'impudeur, qui impose bruyamment ses références et ses lois. Mais le bilan général est désastreux : tout sonne faux dans cette société livrée aux donneurs de leçons et aux imposteurs. Partout, des signes montrent que les Français, lassés de cette comédie du paraître et de ses faussaires, sont en quête de valeurs sobres et solides. Leur idéal semble aujourd'hui à portée de main.